L’histoire du rutabaga est pleine de rebondissements. Oui, plusieurs ont erré au fil des siècles en le traitant de gros navet ! On ne sait trop où et quand elle débute, mais le naturaliste romain Pline l’Ancien (25-79) le distinguait déjà du navet dans ses écrits. Aujourd’hui, les botanistes s’accordent pour dire qu’il est issu d’une hybridation spontanée entre un chou frisé et un navet.
Des différences évidentes
Navet et rutabaga sont bien entendu de la même grande famille des crucifères et sont des légumes racines. Quoiqu’on les ait souvent confondus, ils se distinguent facilement :
- Le rutabaga est bien plus gros que le navet ;
- Ses feuilles lisses s’apparentent plus à celles du chou alors que les feuilles pubescentes du navet ont plus d’affinités avec celles du radis ;
- Le navet est un légume qui se consomme frais alors que le rutabaga est un légume de conservation.
Origine de ses dénominations
Selon de nombreuses sources, « rutabaga » serait une déformation du nom suédois « rottabaggar » qui signifierait « chou-navet ». Cependant, la traduction suédoise des mots chou et navet est respectivement kål et kålrot ! Après enquête, « rot » veut dire racine et baggar, béliers : rottabaggar équivaudrait donc à « racines pour béliers », faisant ainsi référence à l’utilisation très répandue du rutabaga comme plante fourragère tout au long de son histoire. Avec tous les moutons qu’on retrouve en Écosse, on ne s’étonne pas d’apprendre que la purée de rutabaga accompagne obligatoirement le haggis, le plat national des Écossais qui est une panse de brebis farcie.
Au Québec, nos aïeux l’appelaient chou de Siam. C’était aussi le nom donné au chou-rave par les Français d’un autre siècle qui croyaient peut-être avoir affaire avec un chou thaïlandais. De plus, on le connait sous le nom de « swede » en raison de sa renaissance scandinave. Aux États-Unis, on le nomme parfois « Canadian Turnip » parce que les agriculteurs canadiens l’ont longtemps vendu sous le nom de navet.
Saviez-vous que ?
- Faute de citrouilles, les Alaskains faisaient des lanternes pour l’Halloween avec des rutabagas.
- Au début du 19e siècle, les Anglais remplaçaient parfois les boulets de leurs canons par des rutabagas, histoire d’économiser un peu sur le métal !
- On doit peut-être son plus récent retour en faveur à l’artiste Frank Zappa qui, en 1970, yodlait son nom dans l’étonnante chanson « Call Any Vegetable ».
- l’ouvrage Four Seasons of the House of Cerruti, un traité médiéval sur la santé, manger du rutabaga accompagné d’herbes fraîches et de beaucoup de poivre aurait des effets aphrodisiaques sur les jeunes hommes.
Un légume périodiquement boudé
Bien adapté aux climats nordiques frais et pluvieux, on le retrouve en force en Scandinavie à la fin du Moyen-Âge, puis à travers l’Europe dès la Renaissance. Mais la popularité du rutabaga n’a pas toujours suivi un long fleuve tranquille. En effet, selon l’idée d’une échelle des êtres élaborée par des philosophes de la Grèce antique et récupérée par la chrétienté, sa qualité de légume souterrain l’associe au monde des démons durant le Moyen-Âge. Seuls les animaux s’en nourriront durant cette période.
Un autre épisode difficile de la vie du rutabaga nait avec les Grandes Guerres mondiales. Ayant survécu durant des années grâce à ce légume peu exigeant, les populations européennes en ont soupé ! Qui peut les blâmer ? Aucun légume n’aurait pu résister à un souvenir alimentaire associé à une épreuve aussi traumatique.
Une culture des plus faciles
Idéal pour les climats nordiques, le rutabaga se plait au plein soleil dans des terres plutôt légères, fertiles et bien drainées. Il s’adapte toutefois à d’autres types de sols, à l’exception des terres très chaudes. À l’instar de plusieurs membres de sa famille, il bénéficie d’arrosages copieux en périodes de sécheresse.
On procède par semis direct et la récolte des premières racines commence en septembre.
- Pour obtenir de belles racines bien formées, on laisse 20 cm entre les plants.
- Notez que la chair prend un goût plus sucré avec les premières gelées de l’automne.
- La récolte des racines destinées à l’entreposage se fait le plus tard possible, en octobre ou novembre.
Cuisine et santé
Comme pour le cochon, tout est bon dans le rutabaga !
- La racine se mange crue, bouillie, à la vapeur, rôtie, grillée et même frite.
- Ses fanes, on les cuisine comme de jeunes feuilles d’épinard.
- La pelure sert à préparer des bouillons pour la soupe.
De tout temps, on reconnaît à ce légume des vertus diurétiques et digestives.
- Pauvre en calories, il regorge de vitamine C, de potassium, de fibres et de glucides.
- Contrairement à beaucoup d’aliments, la cuisson n’altère pas sa valeur nutritive, puisque sa teneur en vitamine C baisse à peine et son taux de magnésium augmente.
Rutabaga Fortin
Au tournant du millénaire, Catherine Fortin a fait cadeau d’un trésor familial passé de génération en génération : des semences du rutabaga développé par ses ancêtres. La famille Fortin de Cap-Saint-Ignace est considérée comme l’une de celles qui ont contribué à l’essor de l’agriculture canadienne-française, en sélectionnant et en améliorant des variétés potagères.
Ce rutabaga est un des fruits de ce labeur que nous pouvons désormais goûter dans notre assiette. Cette variété très productive donne de belles grosses racines violettes à chair jaune d’une saveur particulièrement douce. On lui attribue une résistance aux insectes et au cœur brun (causée par une carence en bore) supérieure à la moyenne, ainsi qu’une très bonne conservation en chambre froide.